Artistes

MOSTAFA MAFTAH

(1957)

Maftah (clé en arabe), quant à lui, adore s’amuser à ouvrir et à fermer des boîtes, à y disposer des matières et des objets pour produire des histoires qui font appel au vécu et à la mémoire.

Recouvrant ses multiples boîtes de lettrages au pochoir pour un voyage non mercantile mais poétique, y ajustant différents objets, Maftah œuvre à inscrire dans l’immédiateté du réel sa propre temporalité ; à tracer l’espace singulier de son histoire et ses rêveries. L’intérêt que porte Maftah à la diversité des techniques et des médiums n’est pas dicté par une volonté de rupture avec la peinture.

Puisqu’il peint toujours sur des toiles, bien sûr, mais aussi jusque dans sa sculpture comme dans l’un des ses Menhirs où l’hommage est singulièrement rendu autant à la peinture qu’à la musique, et ce par l’insertion des vrais pinceaux armés de diverses couleurs pour quelques symphonies autant chromatiques que sonores.

En fait, ce qui motive Maftah est la sollicitation d’autres ressources de la sensibilité, c’est le désir de liberté d’exploration et c’est la nécessité d’élargissement des frontières du champ artistique. La récupération, le collage et l’assemblage stimulent en effet sa créativité et lui assurent innovation et fécondité poétique.

Tout en inscrivant l’artiste dans la contemporanéité et le quotidien, ils le rattachent à l’ailleurs et au passé lointain.

Les enfants aiment jouer avec des boîtes. Les artistes aussi. Depuis que les cubistes ont détruit la boîte illusoire héritée du système de la représentation mimétique en incorporant des détritus dans leurs œuvres, les artistes modernes et contemporains ne cessent de confier leurs rêveries au concert des boîtes.

J.Cornell voyage à travers ses boîtes dans « des temps qu’il n’avait pas connus ou des pays dans les quels ne se rendra jamais«  (J.L.Ferrier) ; C.Boltanski raconte et invente son enfance et la tragédie des juifs dans la froideur des boîtes métalliques ; Avec stricte rigueur, les Minimalistes (T.Smith, D.Judd, ou R.Morris…) exploitent toutes sortes de boîtes en lien étroit au site où ils déploient ; P.Raynaud encaisse l’histoire de l’art de boîtes pour voyager comme n’importe quelle marchandise, etc.

Ce désir de ressourcement dans l’enfance de l’humanité qu’exprime la pratique de Maftah est au fondement même de l’esthétique du collage et de l’assemblage dès l’aube de son invention avec les Cubistes. « Que pendant toute la période d’élaboration qui aboutit aux collages et aux papiers collés, note N.Tuffelli, le masque Wobé ait tenu une place importante dans les préoccupations plastiques de Picasso et de Braque n’est peut-être pas sans incidence.

En effet, le masque en ce qu’il représentait de primitif, de retour aux sources dans l’esprit du XIXe siècle, pouvait les inciter aussi à une redécouverte de la matière. « Face aux sculptures – constructions de Maftah, l’ancestral en nous se ravie. Le temps s’y contracte et s’y concentre, tant l’anachronisme y est toujours opérationnel. Le présent y est constamment porteur du passé, et le passé revisité par le présent. Le tout selon une démarche créative qu’on qualifierait d’une archéologie poétique. Tout en nous ouvrant sur l’immédiateté du sensible et les richesses de l’actuel, les œuvres de Maftah nous offrent continuellement un voyage poétique à travers les méandres de la mémoire jusque dans les sources de notre passé.

LA SCULPTURE-CONSTRUCTION UNE ARCHÉOLOGIE POÉTIQUE

Extrait du texte de MOHAMED RACHDI

AMIEN Juin, 2003