LE CORPS ET LA LETTRE
La vision critique de sa propre existence est généralement le lieu d’expression privilégié du poète : voir tant de limites reculer entre vécu et imaginaire, entre l’écrit rêvé et la ferveur de son application au discours… toute beauté résulte justement de sa propre fugacité.
En peinture, Sayed nous le remémore… sauf que le regard ne peut être parodié, étant sans frontière dans sa fixité : d’encres minutieuses, n’écrit-il pas en fait ce regard ? de colorations vivaces, ne peint-il pas les mots auxquels il est impossible d’être ? Il y’a là une écriture dépouillée jusqu’à l’angoisse, une appréhension du réel où toute tentative d’intellectualisation est écartée pour ne pas déparer l’image de son potentiel de situation, tant il est vrai qu’elle y demeure ancrée, assujettie même ; l’enjeu, c’est que la forme puisse tirer son ébauche, sa mouvance, une ascension qui invente son propre espace et nous la restitue haute, maitrisée, onirique…
Ici le corps est symbole dispersé ; son visage émerge des étoiles par la violence de la lettre.
Mostafa Nissaboury